Cet après-midi aura lieu un Comité de concertation. Au vu de la situation sanitaire en pleine aggravation, l’on s’attend à ce qu’il annonce des mesures de restriction fortes.

S’il est évident que le Gouvernement doit faire preuve de responsabilité et prendre des décisions parfois difficiles pour protéger la santé publique, il doit le faire dans le respect de la Constitution qui protège notre démocratie et nos droits fondamentaux.

En tant que parlementaire, il me semble crucial de rappeler le principe de légalité en matière de restriction des droits et libertés. Pour qu’une limitation des droits et libertés ne soit pas contraire à la Constitution, elle doit notamment reposer, selon les termes de la Cour constitutionnelle, sur l’intervention d’une « assemblée délibérante démocratiquement élue », et donc du Parlement.

L’enjeu n’est pas uniquement de faire les choses dans les formes. L’importance de prévoir une base juridique solide aux mesures de lutte contre le Covid-19 permettra de renforcer l’effectivité des mesures tout en évitant que des recours puissent aboutir. Pas plus tard qu’hier, le constitutionnaliste Stefan Sottiaux alertait sur l’importance que les mesures prises soient utiles, non arbitraires, nécessaires et proportionnées et rappelait que les juges madrilènes ont annulé un nouveau lock-down pour violation des droits et libertés fondamentales. Le 21 septembre dernier, un juge de police hennuyer a pour sa part refusé de faire droit à l’action publique intentée sur la base de l’arrêté ministériel du 23 mars 2020 contre un citoyen qui n’avait pas respecté le confinement, en considérant que le ministre n’était pas habilité à faire de ce comportement une infraction pénale.

Si, même en dehors des pouvoirs spéciaux, il est permis au législateur de déléguer au pouvoir exécutif, dans une certaine mesure, ce pouvoir de restreindre les droits et libertés des citoyens, c’est à la condition que cette délégation soit définie précisément et que les éléments essentiels des mesures aient été fixés préalablement par le législateur. On se rappellera que le précédent ministre de l’Intérieur prétendait par exemple pouvoir faire entrer la police dans des domiciles privés afin d’y mettre fin à des « lockdown parties » sur la base d’une interprétation particulièrement extensive de l’article 27 de la loi sur la fonction de police qui permet aux fonctionnaires de police de fouiller des bâtiments « en cas de danger grave et imminent de calamités, de catastrophes ou de sinistres, ou lorsque la vie ou l’intégrité physique des personnes sont gravement menacées ». Avec ce genre d’interprétation, les risques de dérive sont grands. N’ouvre-t-on pas également des brèches qui resteront après la crise sanitaire ?

Il est de l’intérêt de toutes et de tous que les mesures prises soient proportionnelles, utiles, solides juridiquement, et puissent être appliquées. Le Parlement a un rôle important à jouer dans ce cadre, et nous sommes à la disposition des ministres pour y travailler selon des procédures accélérées. C’est dans ce sens que j’interrogerai prochainement les ministres de l’Intérieur et de la Justice du nouveau gouvernement.

Photo@Barbara Schmidt-Keller