Le 10 novembre, j’interrogeais la Ministre de l’Intérieur sur a solidité juridique des arrêtés de mesure covid.

Lors de la première vague du coronavirus, votre prédécesseur a pris les arrêtés du 23 mars 2020 et du 30 juin 2020 portant des mesures d’urgence pour limiter la propagation du coronavirus COVID-19, et des arrêtés modificatifs.

Ces mesures, dont je ne conteste ni la nécessité ni la pertinence, ont rencontré certaines critiques. Des constitutionnalistes de renom, dont Marc Verdussen, Céline Romainville et Stefan Sottiaux se sont étonnés que des mesures limitatives des droits et libertés aient pu être décidées par des normes réglementaires, signées par le seul ministre de l’Intérieur.

Ils rappellent le principe de légalité formelle qui exige, pour limiter les droits et libertés, l’intervention d’une assemblée délibérante démocratiquement élue, donc le Parlement. Les arrêtés invoquent comme fondement juridique principal l’article 182 de la loi du 15 mai 2007 sur la sécurité civile, mais selon ces scientifiques, cette disposition ne remplit pas les conditions d’une délégation au pouvoir exécutif.

Pourtant, ce 18 octobre 2020, c’est à nouveau par arrêté ministériel, fondé largement sur ce même article, que des mesures d’urgence ont été adoptées.

​​​Jusqu’ici, aucun de ces arrêtés n’a été suspendu ou annulé par le Conseil d’État souvent en raison de la non-satisfaction aux conditions de l’extrême urgence. Cependant, le 21 septembre 2020, un juge déclarait irrecevable l’action publique intentée sur la base de l’arrêté du 23 mars 2020 contre un citoyen qui n’avait pas respecté le confinement, contestant que l’article 187 de la même loi du 15 mai 2007 ait habilité le ministre à commuer en infraction pénale les comportements litigieux.

Vu l’aggravation de la situation sanitaire, il est crucial que les mesures mises en place soient solides juridiquement et puissent être pleinement appliquées, d’autant que de nouveaux recours sont déjà annoncés.

  • Envisagez-vous de demander l’appui de la Chambre pour consolider les mesures prises dimanche ?
  • D’autres mesures encore plus restrictives sont d’ores et déjà envisagées. Envisagez-vous d’associer le Parlement en amont, qui pourrait travailler avec vous très rapidement afin de donner toutes les garanties de respect de la légalité ?​

Réponse de la ministre :

J’en viens à la légalité et à la constitutionnalité des mesures d’urgence prises pour lutter contre la crise du coronavirus, lesquelles ont été édictées après concertation avec les entités fédérées et analyse approfondie des avis des experts. Le but est d’édicter uniquement des mesures nécessaires et proportionnelles et toute personne qui s’estime lésée peut saisir un juge des référés, un juge classique ou le Conseil d’État. Dans trois arrêts des 28 et 30octobre, celui-ci a statué sur la fermeture des établissements horeca estimant que cette mesure n’est pas disproportionnée et témoigne du respect du principe de minutie et de bonne administration et de l’application du principe de précaution.

De manière générale, je peux vous dire que le vendredi 13 mars, la Belgique est passée en phase fédérale de gestion de crise par l’adoption de l’arrêté ministériel du 13 mars portant le déclenchement de la phase fédérale concernant la coordination et la gestion de la crise coronavirus COVID-19. Cette phase fédérale a été déclenchée et mise en œuvre conformément à l’arrêté royal du 31 janvier 2003 portant fixation du plan d’urgence pour les événements et situations de crise nécessitant une coordination ou une gestion à l’échelon national et à l’arrêté royal du 22 mai 2019 relatif à la planification d’urgence et la gestion de situations d’urgence à l’échelon communal et provincial et au rôle des bourgmestres et des gouverneurs de province en cas d’événements et de situations de crise nécessitant une coordination ou une gestion à l’échelon national.

Les arrêtés ministériels successifs portant des mesures d’urgence pour limiter la propagation du coronavirus s’inscrivent dans cette phase fédérale de gestion de crise. Ces arrêtes ministériels ont pour fondement juridique l’article 4 de la loi du 31 décembre 1963 sur la protection civile. Les articles 11 et 42 de la loi du 5 août 1992 sur la fonction de police et les articles 181, 182 et 187 de la loi du 15 mai 2007 relative à la sécurité civile.

Je ne lirai pas ici tous ces articles, vous savez où les trouver. Chacune de ces dispositions habilite le ministre de l’Intérieur à prendre les mesures qu’il estime nécessaires à la protection de la population, notamment dans le cadre de troubles à l’ordre public, en ce compris la santé publique, en l’espèce le danger résultant de la propagation du coronavirus.

L’article 182 de la loi relative à la sécurité civile permet, en outre, au ministre de l’Intérieur d’interdire et donc a fortiori de restreindre sans interdire complètement les déplacements de la population en cas de circonstances dangereuses et en vue d’assurer sa protection.

Les mesures adoptées doivent être considérées àla fois comme des mesures de police au sens de la loi du 5 août 1992 sur la fonction de police et comme des mesures au sens des articles 181, 182 de la loi de 2007 relative à la sécurité civile.

La pandémie de COVID-19 à laquelle la Belgique fait face constitue une circonstance dangereuse justifiant la prise de mesures destinées à protéger la population. Les mesures adoptées visent à protéger le droit fondamental à la vie et à la santé de la population. La gestion de cette crise sanitaire nécessite une réponse rapide et organisée adaptée à l’évolution rapide des conditions sanitaires et épidémiologiques.

Le Conseil d’État a également estimé que les fondements juridiques étaient valables en droit et que l’incrimination prévue par la loi de 2007 répondait au principe de légalité visé par l’article14 de la Constitution. Il s’agit dès lors d’une jurisprudence très claire de notre plus haute juridiction administrative, qui a en outre dit le droit en son assemblée générale. Nous sommes conscients des discussions académiques sur le sujet et nous sommes ouverts à toute proposition constructive d’initiative législative. Nous examinons la possibilité d’ajouter un certain nombre de dispositions en matière d’épidémies à la loi de 2007, ce qui –ainsi que je l’ai dit–n’implique en rien une remise en cause de la base juridique des arrêtés ministériels.

Nous mettons tout en œuvre pour clarifier et optimiser les règles, en tenant compte des avis et des questions en suspens.

Retrouvez l’intégralité du débat sur le site de la chambre

@Syaibatulhamdi