La presse a largement relayé ces derniers jours le débat autour de la possible évolution de l’organisation des procès en matière de crimes terroristes. Ci-dessous un (pas si bref) résumé des enjeux du vote qui s’est tenu hier en commission de la Constitution à la Chambre, et de mon intervention à cette occasion.

Un texte déposé par la NVA proposait de modifier l’article 150 de la Constitution, afin de retirer à la Cour d’assises la compétence de connaître des crimes terroristes. Il a été rejeté par 12 voix contre 5.

C’est un choix difficile qui se posait à nous, difficile par ses conséquences possibles et par les risques que comportent l’un et l’autre des scénarios. En effet, ce vote intervenait dans un contexte particulièrement délicat, puisque les audiences de la Chambre du conseil pour le procès des auteurs présumés des attentats du 22 mars 2016 à Bruxelles et Zaventem sont actuellement en cours et que l’on s’attend à un renvoi prochain devant la Cour d’assises par la Chambre des mises en accusation.

Selon l’autrice principale du texte, Kristien Van Vaerenbergh, la procédure en assises pour les affaires de terrorisme est trop lourde, trop longue, trop coûteuse, et trop complexe pour être laissée dans les mains de juges non professionnels. Elle était rejointe dans cette position par d’autres parlementaires, et dans une sortie très remarquée le procureur fédéral et le Collège des procureurs généraux avaient fait connaître en début de semaine leur avis favorable à cette évolution.

Il n’est pas possible de nier les enjeux énormes qui entourent l’organisation de ce procès, inédit par son ampleur. Mais voter ce texte, maintenant, c’était donc faire le choix, pour cette affaire, d’une procédure autre que la Cour d’assises. Laquelle ? La Cour ou Chambre alternative qui pourrait accueillir ce type de procès n’existe pas encore. Nous aurions dû voter cette réforme sans savoir où ces affaires seraient traitées dans le futur, et comment. C’était donc risquer que ce procès des attentats de Bruxelles, si important et si complexe quel que soit l’endroit et le juge, essuie les plâtres d’une nouvelle procédure encore à créer, dont nous n’avons pas encore discuté.

Il nous a semblé, après avoir mûrement réfléchi, que modifier aujourd’hui les règles soumettrait ce que l’on appelle déjà « le procès du siècle » à trop d’insécurité juridique, et qu’un tel changement, à ce stade, risquait même de retarder son ouverture. En effet, une révision de la Constitution demande que se positionnent non seulement la Chambre, mais aussi le Sénat. Il aurait fallu également adopter une nouvelle loi de procédure, permettant de traiter ces affaires. Le risque de sanction par la Cour constitutionnelle ne pouvait être écarté : on se souviendra qu’en 2017, elle avait sèchement recalé la loi retirant au jury populaire de nombreux crimes. Le professeur Benoît Frydman ajoutait lundi au débat le risque de condamnation de la Belgique par la Cour européenne des droits de l’homme pour violation de l’article 6 de la CEDH, si la Cour avait conclu à un changement de juge pour un seul cas. N’oublions pas encore l’article 146 de la Constitution, qui interdit de créer des tribunaux extraordinaires : l’idée est bien d’éviter un contournement des voies judiciaires ordinaires à l’occasion d’un procès particulier, aussi important fût-il.

J’ai encore, plus largement, rappelé l’attachement des écologistes à la Cour d’assises, qui incarne la dimension citoyenne du droit et de la justice. Ces domaines ne sont pas que des questions techniques à réserver aux experts. Alors que nous tâchons d’ouvrir des portes afin de donner une plus grande place aux citoyen.ne.s dans les prises de décision, il serait paradoxal de vouloir les priver de l’un de leurs principaux droits politiques : celui de siéger dans un jury d’assises. En outre, nous avons toujours été particulièrement réservés quant à l’action législative – et a fortiori constitutionnelle – motivée par des cas exceptionnels.

Nous n’affirmons pourtant pas que la Cour d’assises est parfaite en l’état. Nous serons au rendez-vous pour réfléchir à sa modernisation, aux possibilités d’amélioration et d’allègement qui peuvent être apportées, dans l’intérêt de tou.te.s. Et il n’est bien sûr pas question de prendre à la légère les légitimes inquiétudes que nous relaient certaines des victimes quant à la durée du procès, quant au possible étalage dans la presse de détails douloureux, quant au besoin d’être entendues, écoutées, quant à l’envie de pouvoir enfin entamer la réintégration, la reconstruction.

Une chose ne fait en tout cas pas de doute à mes yeux : nous partageons toutes et tous le souhait que le procès se déroule dans les meilleures conditions possibles. La justice s’organise déjà dans la perspective du procès, tout sera mis en œuvre pour assurer son bon déroulement, et nous avons confiance que la justice sera capable de relever cet énorme défi.

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Photo@Fred Romero