Les médias relayent ces derniers jours les réserves de certains représentants libéraux et socialistes quant au principe des projets de lois pandémie en préparation – puisqu’il faut semble-t-il désormais s’exprimer au pluriel.

« On ne peut pas se dire que l’exceptionnel va devenir la normalité. Intégrer cela dans l’arsenal juridique, c’est prendre le risque que ce soit activé dans d’autres moments », indique par exemple dans le Soir le président du MR.

L’argument, que M. Bouchez n’est pas le seul à exprimer, laisse perplexe, à plus d’un titre.

Premièrement, parce que fournir une base légale à des mesures restrictives des libertés publiques, c’est simplement respecter la Constitution qui consacre le principe de légalité en la matière. Il est pour le moins étrange d’affirmer que le respect du prescrit constitutionnel en matière de restrictions aux droits et libertés serait en soi dangereux pour ces mêmes droits et libertés.

Deuxièmement, parce que les arrêtés actuels invoquent déjà bel et bien une base légale comme fondement au pouvoir du Roi. La revendication d’une loi pandémie se fonde sur le constat, mis en avant par de très nombreux spécialistes, que la loi sur la sécurité civile sur laquelle s’appuient les arrêtés ne constitue pas une base légale adéquate pour faire face, des mois durant, à la situation de pandémie que nous vivons et aux mesures très variées qu’elle appelle.

Troisièmement, parce que l’adoption d’un cadre légal n’implique absolument pas que les mesures perdraient leur caractère exceptionnel. Il s’agit précisément, au contraire, de déterminer, à l’aide d’un débat public démocratique, le champ d’application d’une telle loi, les conditions qui en déclencheraient l’application, et de baliser au mieux l’action de l’exécutif à travers l’habilitation claire et précise confiée au Roi. Lorsqu’on voit la facilité avec laquelle des mesures très restrictives ont pu récemment être prolongées de 6 semaines d’un simple trait de plume dans un arrêté ministériel, ici aussi l’argument est difficilement compréhensible.

Sur le contenu plus précis, il peut et il doit y avoir débat, publiquement, c’est le rôle des représentant.e.s élu.e.s et c’est bien là tout l’enjeu de ce projet de loi réclamé depuis des mois. Qu’il y ait des griefs sur les orientations déjà annoncées, des volontés de rectifier le tir, on peut parfaitement le comprendre.

Mais placer le débat au niveau de la pertinence du véhicule proposé, et donc sembler considérer que l’adoption d’un cadre législatif « pandémie » constituerait en soi un recul par rapport à la situation actuelle, c’est réellement manquer la cible.

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