Harcèlement sexiste, injures homophobes, propos discriminatoires sur la base du handicap ou de la religion… ces comportements illégaux, s’ils sont tenus par écrit et avec une certaine publicité, sont considérés comme des « délits de presse » et relèvent de la Cour d’assise.

Au départ, il s’agit d’une garantie inscrite dans l’article 150 de la Constitution et qui vise à protéger la presse contre la censure des dirigeants. Mais aujourd’hui, elle s’applique à toute expression écrite et publique d’une opinion, même s’il s’agit d’injures sur les réseaux sociaux sans aucun lien avec une expression journalistique.

Les personnes qui sont la cible de tels comportements – par exemple les nombreuses femmes victimes de harcèlement sexiste sur Twitter -, si elles portent plainte, sont ainsi confrontées à un obstacle procédural : c’est un jury populaire qui doit trancher, or le parquet ne convoque (presque) jamais de Cour d’assise pour ces infractions. On est donc devant une dépénalisation de fait, et les victimes sont dissuadées de porter plainte vu l’impasse que cela représente.

En 1999, l’article 150 de la Constitution a été modifié une première fois, pour retirer à la Cour d’assise les délits de presse à caractère raciste ou xénophobe : c’est désormais le tribunal correctionnel qui est compétent.

La proposition de révision de la Constitution que je dépose avec mon collègue Kristof Calvo
vise à étendre la compétence du tribunal correctionnel en matière de délits de presse : nous souhaitons qu’il puisse traiter toutes les affaires où les propos sont inspirés par l’un des 19 critères de discrimination protégés par les différentes lois anti-discrimination en Belgique. Des propos haineux motivés non seulement par le racisme ou la xénophobie, mais aussi par le sexe, la religion, l’orientation sexuelle, l’état de santé… seraient donc traités de la même façon par la justice.

Ce changement permettrait aux victimes de tels comportements de porter plainte plus efficacement, sans nuire à la liberté de la presse ou à la censure (il sera évidemment toujours possible de critiquer vertement le travail d’une femme politique sans que cela tombe dans les propos sexistes !).

Merci à Jessika Soors pour tout le travail sur ce texte !

Retrouvez le texte tel que déposé à la Chambre et son « jumeau » visant à réviser l’article 25 de la Constitution pour étendre aux médias audiovisuels la liberté de la presse et l’interdiction de la censure dont bénéficie la presse écrite.

Photo@Sebastien Michel