Le 1er mars, je déposais une question à la Ministre de l’Intérieur concernant le traitement des fonctionnaires de police par la justice.

Dans son ouvrage de référence Quels droits face à la police, Mathieu Beys souligne que « beaucoup de victimes d’abus policiers éprouvent un fort sentiment d’impuissance face (…) à l’impunité de certains policiers » (p. 456). Face à un tel constat, il importe de pouvoir objectiver les choses afin de pouvoir le cas échéant prendre action.

Dans son rapport annuel 2006, le Comité permanent P relevait que « les fonctionnaires de police semblent bel et bien bénéficier d’un régime pénal extrêmement favorable », en se référant notamment au pourcentage particulièrement élevé de suspensions du prononcé obtenues par les policiers en comparaison avec les autres justiciables (31,5 % versus 4,72 %). Le rapport parlait encore de « beaucoup de clémence à l’égard des policiers ayant commis une transgression » et de « politique de tolérance au niveau pénal à l’égard des moutons noirs de la police ». Le Comité P pointe qu' »il est en effet établi que la décision d’accorder une suspension du prononcé (…) est en quelque sorte assimilée à une impunité totale dans tous les autres domaines et le fonctionnaire de police condamné continue donc à fonctionner dans la police sans faire de vagues ».

Selon la Ligue des droits humains (LDH), une circulaire COL 4/2003 du 20 mai 2003 précise qu' »afin de permettre au ministre de l’Intérieur d’être informé des décisions pénales concernant les membres des services de police, il y a lieu de lui transmettre (…) copie à des fins administratives des jugements et arrêts passés en force de chose jugée relatifs aux crimes ou délits commis par tous les membres des services de police ». Toujours selon la LDH, en 2013 la ministre de l’Intérieur n’avait pas connaissance de ceci et ne disposait pas de ces jugements, ce qui rend toute analyse impossible.

Le Comité permanent P doit, en principe, recevoir copie de tous les jugements et arrêts impliquant des policiers. Il semble qu’en pratique il n’en reçoive actuellement qu’une faible partie. Disposer de statistiques fiables est l’une des clés permettant de calculer le taux de poursuites et de condamnations de policiers poursuivis pour violences policières par rapport à la moyenne des justiciables. Or, il semble donc que les derniers chiffres datent de 2006, il y a 15 ans.

  1.  La circulaire COL 4/2003 est-elle toujours d’applicat? Si oui, recevez-vous effectivement copie de tous les jugements et arrêts passés en force de chose jugée concernant les crimes et délits commis par les services de police?
  2. Disposez-vous de chiffres plus récents que ceux rapportés par le Comité P en 2006? Quel est le nombre de plaintes pénales déposées pour violences policières depuis cinq ans, et quel traitement leur est réservé par la justice? Ces chiffres sont-ils analysés par votre cabinet ou votre administration? Les constats du rapport annuel du comité P de 2006 sont-ils toujours d’actualité?
  3. Si vous ne disposez pas de ces chiffres, quelles actions envisagez-vous de mettre en place afin d’obtenir ces renseignements et ainsi de mieux connaître le phénomène des violences policières et le traitement qui leur est réservé par la justice, pour mieux y remédier?

Retrouvez la réponse de la ministre

Photo@Stephen