Clap de début : les travaux portant sur l’avant-projet de loi « pandémie » ont officiellement débuté hier à la Chambre.

Rappel du contexte : depuis bientôt 1 an, les mesures parfois très restrictives des droits et libertés qui s’imposent à nous pour lutter contre le covid-19 sont prises par le gouvernement sans impliquer préalablement le parlement et sur la base d’un fondement légal critiqué, ce qui pose question en termes de légalité, de transparence, de légitimité et d’adhésion.
Cette situation a entraîné les protestations d’un nombre croissant de personnes et d’organisations dans la société : constitutionnalistes, actrices et acteurs de la justice, associations de défense des droits humains, syndicats, citoyennes et citoyens. Certaines décisions de justice sont venues ajouter de l’eau au moulin des contestations.

Progressivement, le débat a gagné la sphère politique et est entré au Parlement par la voie de questions parlementaires et d’interpellations (cf des publications précédentes ci-dessous).

Cette action combinée a mené le gouvernement Vivaldi, installé le 1er octobre 2020, à indiquer dès novembre qu’il envisageait une adaptation de la législation afin de prendre en compte les préoccupations exprimées. Cette intention s’est précisée au fil des semaines pour prendre la forme d’un texte de loi « pandémie » à part entière.

Vu l’enjeu de tenir un débat ouvert et substantiel, Ecolo-Groen a proposé que la Chambre participe à l’élaboration du texte à plusieurs étapes de la procédure, plutôt qu’uniquement en fin de parcours. Cette proposition a été reprise par le Gouvernement, ce qui explique qu’une première version du texte soit déjà arrivée sur la table des parlementaires en parallèle de l’envoi aux instances d’avis.

Nous accueillons donc positivement l’initiative de ce texte de loi visant à encadrer l’action du gouvernement, et l’espace ouvert à la discussion. Pour autant, cet avant-projet suscite des inquiétudes, en témoignent les nombreux messages que mes collègues et moi recevons cette semaine. Nous le comprenons et sommes également d’avis que le texte présente à ce stade des difficultés et imprécisions importantes sur certains aspects.

Rappelons donc qu’il s’agit ici d’une première version, appelée à évoluer grâce aux auditions et consultations qui seront organisées les prochaines semaines et que nous voulons aussi larges que possible, et grâce aussi aux avis sollicités notamment auprès du Conseil d’État, de l’Autorité de protection des données et de l’Organe de contrôle de l’information policière. La ministre a également indiqué hier que la Commission de Venise souhaitait être entendue, ce qui se révélerait particulièrement intéressant au vu du rapport intitulé Respect de la Démocratie, des droits de l’Homme et de l’Etat de droit pendant l’état d’urgence : réflexions qu’elle a publié en juin 2020.

Il ne s’agit donc certainement pas à ce stade de voter le texte tel quel ou de le rejeter en bloc. Il y a une marge d’amélioration certaine et nous pensons que le processus de travail inédit et les consultations prévues pourront être de nature à faire évoluer le texte positivement. Le débat devra donc se montrer à la hauteur des attentes et être l’occasion d’une véritable ouverture dans la façon dont notre société appréhende la gestion d’une crise pandémique.

En guise de préparation mentale pour les débats qui s’annoncent, j’ai eu envie d’écouter et de partager deux paroles :

  • cette interview à la fois très juste et très poignante de Céline Nieuwenhuys, la secrétaire générale de la Fédération des services sociaux, qui revient sur son expérience au sein du groupe d’experts GEES conseillant le gouvernement sur le déconfinement le printemps dernier.
  • la séance inaugurale de la Chaire Francqui attribuée cette année à la professeure Eva Brems par l’Université Saint-Louis : si vous croyez avoir déjà tout entendu sur le thème des droits fondamentaux en période de covid, détrompez-vous, son exposé est intelligent, lumineux, novateur et passionnant.

Photo@Martin Gillet