Le 9 juin 2023, j’interrogeais le ministre de la Justice au sujet de la protection des enfants face aux violences sexuelles en ligne:

Monsieur le ministre,

J’aimerais attirer votre attention sur une proposition de Règlement discutée en ce moment au niveau européen concernant la protection des enfants face aux violences sexuelles en ligne (le partage d’images et vidéos à caractère pédopornographique (Child Sexual Abuse Material – CSAM), et la sollicitation (pédopiègeage ou grooming)). Le Soir revenait sur ces négociations dans un article du 2 juin 2023. Le texte propose, pour y faire face, d’obliger la surveillance des contenus des conversations privées (chatcontrol) aux fournisseurs de services qui risquent d’être utilisés à de telles fins. Des algorithmes scanneraient tous les échanges privés sur Whatsapp, Signal, emails, SMS, etc. à la recherche de contenu suspicieux, qu’ils partageraient ensuite éventuellement avec les forces de l’ordre. Les instances démocratiques autrichiennes, allemandes, françaises, irlandaises, tchèques et hollandaises ont déjà sonné la sonnette d’alarme concernant les atteintes aux droits fondamentaux que constituent les injonctions de détections qui seraient imposées sur les fournisseurs de services de communication et d’hébergement, ainsi que concernant l’impact de ce règlement sur le chiffrement de bout-en-bout (E2EE). Le service juridique du Conseil a lui-même rendu le 26 avril un avis fortement défavorable aux États membres, pointant du doigt le caractère non-nécessaire et disproportionné des mesures, en inadéquations avec la jurisprudence européenne. Le lendemain de la remise de cet avis, dix États membres, dont la Belgique, réagissaient en publiant une déclaration commune allant dans le sens inverse. Cette déclaration appelle à poursuivre dans la direction donnée par la Commission européenne, notamment: – en scannant l’entièreté des services de communications; – en n’exemptant pas les communications chiffrées de bout-en-bout (E2EE), et; – en scannant à la fois pour le CSAM connu (basé sur des hash), et à la fois pour le CSAM inconnu et le grooming (qui sont eux basés sur l’intelligence artificielle, et sujet à des marges d’erreur beaucoup plus importantes). Sans d’aucune façon remettre en question l’importance de protéger les enfants contre les violences sexuelles en ligne, il est essentiel que cela soit fait de façon suffisamment ciblée en trouvant un équilibre avec les autres droits fondamentaux en jeu.

  • Quelles réponses pouvez-vous apporter par rapport à la prise de position de la Belgique au niveau des négociations au Conseil, surtout à la lumière de tous les signaux d’alarmes, y compris par vos propres experts au Conseil?
  • Comment prendrez-vous en compte ces signaux d’alarme et ces préoccupations pour la suite des négociations

Retrouvez l’ensemble des questions jointes ainsi que la réponse du ministre (p. 256-261)